
Je me souviens encore des Batman de Frank Miller
qui tordait joyeusement le cou à toute la mythologie du personnage (notamment
en féminisant Robin – amicalement surnommée Robinette par mes confrères
pinces-sans-rire de Starfix à l'époque...).
Le concept ayant fait florès, tous les éditeurs de BD se sont ensuite rués sur le créneau,
la Marvel et la DC en tête.
Aujourd'hui ce sont carrément certaines grandes
franchises qui lorgnent vers ce type d'édition.
Désireux d'élargir leur lectorat, les Ian Fleming
Publications ont depuis longtemps cédé leur licence à diverses éditeurs – avec
des résultats variables (mais la plupart du temps pitoyables).
Dernière tentative en date, cette "nouvelle" adaptation du tout premier roman de Fleming, « ré-imaginé » par le scénariste Van Jensen – connu pour des titres aussi réjouissant que « Pinochio, The Vampire Slayer » (mais oui) ainsi que quelques scénars pas piqués des hannetons pour Flash et Green Lantern chez DC Comics.
À la lecture de son "Casino Royale", on
se dit, ben, que c'est encore raté pour cette fois (Caramba !).
Histoire d'essayer de moderniser un récit vieux quand
même de près de cinquante ans, Van Jensen a d'abord choisi de "chapitrer"
à sa guise le roman en vingt-sept parties – suivant en cela l'idée de la table
des matières du roman d'origine.
C'est hélas la seule bonne idée de
l'apprenti-sorcier, lequel – forcé de proposer une version qui ne fasse pas
référence aux deux adaptations à l'écran du roman éponyme (3, diront les
puristes) - a choisi donc de coller à l'époque d'origine du roman – soit le
début des années cinquante. Ce qui, hélas, donne un sacré coup de vieux à
l'entreprise...
Car ce qui peut encore fonctionner chez Fleming si on l'étudie dorénavant d'abord comme un témoin de son époque prend forcément un méchant coup de vieux lorsque fidèlement transposé à l'image. (Parenthèse : depuis des décennies certains fans de la Franchise Eon réclament à cor et à cri une adaptation "vintage" d'un roman de Fleming. Qu'ils lisent donc ce Casino Royale et ils seront vaccinés…).
De plus le graphisme du dessinateur Dennis Calero
– à la limite du photo montage avec des visages criants de réalisme et des
cases de BD construites comme sous du Photoshop – renforce l'ancrage vieillot
de tout le roman.
On reconnaîtra l'effort de proposer une nouvelle
physionomie à l'agent 007 (où manque pourtant la mèche rebelle chère à Fleming
et John McLusky) - mais qui manque singulièrement d'empathie.
Quant à Vesper, elle serait plus à l'aise dans une
des enquêtes d’Hercule Poirot. Brune aile de corbeau, elle ne véhicule pas le
moindre sex appeal...
Même constat pour tous les autres
personnages : Le Chiffre est quelconque et n'inspire aucune menace. Mathis
est transparent.
Bref, encore une fois, une tentative malheureuse de plus qu'on oubliera bien vite.Et si l'on veut vraiment se replonger dans des adaptations en BD dignes d’intérêt, il faut relire d'urgence les strips de McLusky (disponibles en VO sous forme de recueils chez TITAN PUBLISHING en Angleterre).
Casino Royale, par Van Jensen & Dennis Calero d'après l'œuvre de Ian Fleming.
Éditions Delcourt Comics
15,95 euros.