Le rythme de la vengeance, ou quand Eon essaie de se diversifier en proposant un nouveau personnage badass - croisement improbable d'une Justicière façon Charles Bronson qui se serait échappée d'un roman de John Le Carré.
Il aura fallu
attendre près de 52 ans pour que EON productions ose à nouveau faire une
infidélité à James Bond*
en proposant un film hors canon Fleming.
Manque de
chance, ce "Rythm Section" - qui devait à l'évidence augurer
d'une nouvelle série de films consacrés aux aventures de miss Stéphanie Patrick,
sorte de clone moderne de Nikita matinée d'un soupçon d'Executionner à
la Charles Bronson – a fait long feu, malgré un casting intéressant et une
équipe technique au top...
À la base un
thriller signé Mark Burnell, le synopsis du film reprend fidèlement l'intrigue
du roman : après la disparition tragique de sa famille dans un accident
d'avion, où elle aurait dû aussi perdre la vie, Stéphanie Patrick est tombée
dans la dépression, la prostitution et la drogue. Un jour, un journaliste,
Keith Proctor, lui prouve que ses proches sont décédés du fait d'une attaque
terroriste, dissimulée et maquillée en crash par le gouvernement.
Avec l'aide
d'un ancien agent du M.I 6, Iain Boyd, elle parvient à retrouver la piste des
commanditaires de l'attentat et entreprend de les traquer...
Malgré – ou
plutôt à cause d'un schéma qui n'évite pas toujours les lieux communs, le film
peine à provoquer l'intérêt du spectateur. S'enchaînent en effet bon nombre de
séquences déjà vues ailleurs (la longue parenthèse de l'entraînement martial
que Stéphanie Patrick accepte de suivre pour devenir une tueuse professionnelle...)
que la mise en scène assez plate de la réalisatrice Reed Morano n'arrive pas à
sublimer.
En gros, on a
l'impression de visionner un (bon) téléfilm, voire même parfois le Pilot d'une
nouvelle série (les rebondissements de l'histoire étant cousus de fil blanc).
Question casting le duo formé entre Blake Lively (qui, teinte en brune et coiffure à la garçonne, a un petit air d’Anne Parillaud très LucBessonien) et Jude Law – toujours impeccable, fonctionne plutôt bien, et l'on évite de tomber dans la caricature type True Lies lorsqu'interviennent les fameux terroristes du moyen orient.
Hélas pour Eon, le film a donc fait un flop mémorable partout où il est sorti – au point d'atterrir directement en vidéo chez nous (alors que plusieurs sites persistent à indiquer une date de sortie nationale en salles en début de cette année, ce qui n'est jamais arrivé), la faute sans doute à une mauvaise interprétation du matériel de base : il ne s'agit en effet pas tant d'un film d'espionnage contemporain (type Vengeance dans la peau et autres Bourneries) mais d'un film dit de "Revenge" (type Justicier dans la ville ou Ange de la Vengeance), un genre beaucoup moins respectable, qui eût donc gagné en véracité en tentant une approche beaucoup plus âpre...
Victime des circonstances actuelles, le film ne trouvera donc pas son public en salles, et ne bénéficiant pas du moindre appui promotionnel de son distributeur français, il y a fort à parier que le titre disparaîtra rapidement des linéaires, vu la quantité de longs métrages qui déboulent chaque semaine directement en V.O.D ou pay-per-view. Une occasion ratée, donc.
* En 1967, le producteur Albert Broccoli décida d'adapter à l'écran le conte pour enfant imaginé par Ian Fleming, Chitty Chitty Bang Bang avec l'aide de nombreuses valeurs sûres de son écurie James Bond.