Où aller quand on pense avoir fait le tour d'un
personnage en plus de cinquante ans de carrière ?
Certains se réinventent (voir la modernisation
réussie de Sherlock Holmes dans la série homonyme Sherlock), d'autres sombrent
dans l'auto-parodie (série des Austin Powers), 007 lui jusqu'à présent avait
réussi à chaque fois à s'adapter au temps présent – en modifiant subtilement
son ADN de film en film...
Et jusqu'à présent la recette avait plutôt bien fonctionné,
puisqu'on en était gaillardement au 25ème film et à la cinquante-neuvième
année d'existence.
Jusqu'à ce que l'on découvre – sans vouloir y
croire – ce dernier film.
Après des mois, que dis-je ? Des années
d'attente même – puisqu'aux difficultés de tournage du film[1]
se sont ensuite ajoutés les reports de sortie à répétition du long métrage pour
cause de méchant Covid se répandant sur la planète, on a donc enfin pu
découvrir ce dernier opus lors d'une projection de Presse unique qui s'est
déroulée dans le plus grand secret à Paris le mardi 28 septembre dernier à l’UGC
Normandie sur les Champs-Élysées (l'honnêteté intellectuelle nous oblige à
signaler qu'exactement au même moment s'est tenue aussi une « Avant-Première »
organisée par Universal France, le nouveau distributeur du film, au cinéma
Le Rex, toujours à Paris).
Bref c'est peu dire que les fans trépignaient
d'impatience lorsque déboula le traditionnel Gunbarrel sur les écrans –
accompagné d'une nouvelle version syncopée du James Bond thème signée Hans
Zimmer.
On se trouve alors projeté dans un cadre idyllique,
sur la côte adriatique de l’Italie, où James file le parfait amour avec
Madeleine Swann (rescapée du film précédent, donc).
S'enchainent ensuite de grands travelings et
panoramiques qu’on pourrait croire commandités par l'office du tourisme de la
petite ville de Matera – où s'est installé le couple.
Histoire de bien enfoncer le clou, Hans Zimmer
nous assène en prime une resucée du morceau emblématique de John Barry composé
à l'origine pour Au Service Secret de Sa Majesté, le mythique « We
have all the time in the world ».
Inquiet, le spectateur commence à regarder sa
montre.
Pour une séquence pré-générique – sans la moindre
scène d'action jusqu'à présent qui plus est – ça commence à faire un peu
long...
On comprend alors pourquoi Bond a voulu se rendre
sur place, c'est pour pouvoir se rendre sur la tombe d'une vieille connaissance,
qui repose donc dans le cimetière local.
Et tombe qui lui réserve une petite surprise...
Heureusement les choses s’accélèrent alors avec
l'arrivée inopinée d'une noria de Range Rover Defender (beau placement de
produits par ailleurs) qui donne la chasse à l’Aston Martin DB5 de 007 ;
Belle séquence de poursuite, avec apparition de
nouveaux gadgets sur la voiture, cascades motorisées impressionnantes et
montage nerveux de la séquence (on est rassuré : Cary Joji Fukunaga
connait son boulot et les codes de la série).
Persuadé que c'est Madeleine qui l'a trahi, Bond
l'abandonne alors illico sur le quai de la gare... Exit Madeleine Swann.
On se cale alors avec délectation dans son fauteuil en admirant le générique de Daniel Kleinman (qui mêle différents hommages, de Dr No à OHMSS en passant pas Casino Royale et d'autres, dans ses images de synthèse retravaillées) ;
« 5 ans ont passé » nous annonce alors un carton post générique tandis qu'on découvre le
James à la pêche au gros en Jamaïque, apparemment très détendu.
Détente de courte durée puisque sa tranquillité
insulaire est vite perturbée par l'arrivée de son vieux pote de la CIA, Felix
Leiter, lequel lui demande de lui rendre un petit service (là, première alerte
dans ma petite tête : pourquoi diable Leiter doit-il faire appel à 007
pour aller récupérer un colis à Cuba ? J'ai peut-être manqué une
réplique-clé dans les dialogues, qui sait ?).
Le Leiter est accompagné d'un de ses collègues
d'un service ami, Logan Ash (interprété par Billy Magnusen) - qui insiste
lourdement sur l'importance vitale de la mission.
S'ensuit donc le chapitre « Cuba », qui,
à mon avis, est le plus intéressant du film et fonctionne presque comme une
mini aventure indépendante à lui tout seul.
Arrivé sur place James Bond y fait la connaissance
du contact local Paloma (sensationnelle Ana de Armas) - un jeune agent qui pète
le feu, porte des robes du soir à tomber raide et mitraille joyeusement à tout
va quand le besoin s'en fait sentir.
Bref la Bond girl active dans toute sa splendeur.
Une fois récupéré le fameux « colis »,
Bond s'en va délivrer le machin à Leiter et Ash.
Et là, le film part en couilles...
Comprenons nous bien, le problème principal de No
Time To die, c'est sa trame scénaristique – complexifiée inutilement, et
surtout qui tente de nous refaire Au Service Secret de Sa Majesté, c'est à dire
une belle histoire d'amour entre James Bond et sa dulcinée – et un Bond dit « Classique »
avec un dénouement que même Fleming s'est toujours refusé à balancer à ses
lecteurs (un artifice qui, généralement quand il est utilisé montre le désintérêt
d'un auteur ou d'un scénariste pour son héros, ou son incapacité à
trouver de nouvelles idées à lui faire vivre. Mais chuuut).
Bref, le film oscille alors en permanence entre Love
Story et OHMSS, je caricature, mais à peine.
Le scénario peine à captiver son auditoire, et
l'on sent que l'apport des diverses petites mains à l'écriture s'est fait dans
la douleur.
En clair l'histoire manque tout simplement de
fluidité et de... Simplicité.
Afin de ne pas déflorer le suspens (et le coup de
théâtre final – monument à l'égocentrisme galopant de Daniel Craig, par
ailleurs à nouveau coproducteur du film comme sur SPECTRE) je m'abstiendrai
d'aller plus loin dans ma critique du métrage.
Soulignons simplement que les scénaristes ont
vraiment joué de malchance puisque le plan machiavélique du méchant du film
consiste à s'approprier une bactérie mortelle intelligente capable d'éradiquer
ses cibles en les choisissant avec soin.
En temps de Pandémie, on comprend que la MGM ait
finalement choisi de décaler à 3 reprises la sortie mondiale du film...
En outre se veut mettre un point final à l'interprétation de Daniel Craig en agent 007 – et il est clair à la vision de l'avant-dernière séquence que SI James Bond revient dans un prochain film, ce sera à nouveau dans une version rebootée (comme pour Casino Royale en 2006, qui avait fait table rase de tous les artifices de Meurs un autre jour pour redémarrer le moteur proprement).
Heureusement pour les fans, bien choqués par la
séquence en question, Eon et la MGM ont déjà dévoilé les logos du soixantième
anniversaire de la saga pour 2022, on peut donc espérer que « l'expérience
finale Mourir peut Attendre » aura fait pschitt et que... James Bond
reviendra.
Ce que confirme joyeusement quand même le carton
final du film.
Ouf
Kevin Collette – « For England, James »
_______
1. Pour tout savoir sur le film, précipitez-vous sur le numéro Hors-Série
Spécial James Bond book du magazine Auto Heroes – qui décortique
le mythe et revient longuement sur la genèse compliquée du film (couverture ci-dessous)